Le loup, depuis toujours, a eu le mauvais rôle.
Sous son grand manteau noir, il ricane, le drôle.
C'est le vilain Apache, le sanguinair'e Sioux,
C'est l'esquinteur d'enfants, c'est le grand méchant loup.
Pauvres hommes, pauvres pommes, pauvres Américains,
Combien de visages pâles et combien d'Indiens ?
Les trois petits cochons, tout au fond de leur planque,
Entassaient leurs millions (y avait pas encor'e d'banque)
Lorsque surgit, vengeur, le drapeau noir en main,
Notre Arsène Lupus, notre Arsène Loupin.
Pauvres hommes, pauvres pommes, pauvres marchands de grains,
Combien d'Oncle Picsou et combien de Mandrin ?
L'agnelet dodu buvait dans l'onde pure,
Cachant dessous sa laine une tendre nourriture.
Le loup, en salivant, lui dit : « Mon pauvre agneau :
Même Jean de la Fontaine raffolait du gigot. »
Pauvres hommes, pauvres pommes, pauvres suceurs de sang,
Combien de cannibales, combien de non-violents ?
Le Petit Chaperon rouge, déjà fieffée salope,
Avec son p'tit pot d'beurre et sa petite culotte,
A dit à l'animal : « Tu viens chez moi, mon loup ? »
A une pareille invite, qui refuse, qui de vous ?
Pauvres hommes, pauvres pommes, pauvre triste tapin,
Combien reste-t-il d'anges et combien de putains ?
Le loup, sur son chemin de jeûne et de misère,
Explique à un beau chien, bien luisant, bien prospère,
A la vue de la chaîne accrochée à son cou :
« A toi la vie de chien, à moi la mort du loup. »
Pauvres hommes, pauvres pommes, pauvres caniches nains,
Combien y a-t-il d'esclaves et combien de mutins ?
Ne mêlez plus le loup à vos sales histoires.
Vos contes, vos dictons, c'est de la merde à boire
Et si la faim, elle fait sortir le loup du bois,
Vos guerres vous font sortir de partout à la fois.
Pauvres mecs, pauv' blancs-becs, pauvres tristes filous,
Combien reste-t-il d'hommes, dites-moi, et de loups ?