J'habite à Drancy
Je contrôle des cylindres
Ouais c'est ça mon bizeness
Et j'attends calmement
Que ces tubes en ciment
Aient bouffé ma jeunesse
Je dis pas ça pour me plaindre
Le soir après les courses
Je grimpe mes quatre étages
Et je regarde la télé
Devant mes surgelés
Courir c'est plus d' mon âge
C'est vrai j' vis comme un ours
Après je'me couche et j' pense
A des riens à mes traites
A tous mes petits soucis
Moi J'habite à Drancy
A la cité de la Muette
On peut dire que j'ai d' la chance
Cité de la Muette tu parles mais pas muette pour tout l' monde
Si seulement une nuit j' pouvais vraiment dormir
S'il n'y avait pas toujours ces drôles de voix qui grondent
S'il n'y avait pas ces murs à sans arrêt gémir
Qu'est-ce qu'elle a cette baraque à grincer comme un brick
Qu'est-ce qui peut bien comme ça devoir la tourmenter
La faire pleurer de tous ses moellons et de ses briques
Et me faire somnambule dans mon F3 hanté
Ce soir je ne veux plus d' pleurs
J'ai trop besoin d' silence
Et me voilà dans la nuit
A faire la chasse au bruit
Frappant avec violence
Mon vieux papier à fleurs
Montrez-vous les fantômes
Que je gueule à perdre haleine
Mais soudain je'ne chante plus
Heurté comme par un flux
Par une marée humaine
Un effarant monôme
Et voilà que'je commence
A mieux voir des silhouettes
C'est ceux qui campent ici
Dans mon F3 de Drancy
A la cité d' la Muette
Vous parlez d'un coup d' chance
Ils sont vraiment partout et sans me voir vont et viennent
On dirait ma parole qu'ils sont ici chez eux
Ils sont tout occupés à des tâches quotidiennes
Mais à leurs gestes je vois quelque chose de fiévreux
Ils raccommodent des loques ils astiquent des gamelles
D'autres qui ne faisaient rien soudain se mettent en rang
Pour crier des prénoms… Simon Henri Rachel
Aimé Dora Maurice Lucienne David Laurent
Et maintenant je sommeille
En plein milieu d' la foule
M'habituant à ces gens
Moi aussi criant… Jean !
Avec la chair de poule
Quand un cauchemar m'éveille
Alors je vais à ma f'nêtre
Regarder le trafic
Des nouveaux arrivants
Des nouveaux revenants
Selon l'obscure logique
Que nul ne doit connaître
On leur donne des quittances
Pour les biens qu'ils remettent
En disant grand merci
On vit de peu à Drancy
A la cité d' la Muette
Rendons grâce à la chance
Dormez si vous pouvez étrangers dans mon gîte
Dors toi vieil antiquaire adossé au frigo
Toi tailleur du Sentier que la frayeur agite
Dors toi le Polonais, dors toi le Parigot
Et toi le doux poète Max si tu peux repose
Parmi tous ces enfants dans ma chambre d'amis
Qu'une femme en pleurs berça en leur chantant les roses
Prêtes à cueillir là-bas et qu'elle y endormît
Demain avant le jour
Tout rentrera dans l'ordre
Et vous serez tondus
Il est bien entendu
Que les chiens sont là pour mordre
En route et bon séjour
On va repeindre vos turnes
Mettre du papier à fleurs
C'est la crise du logement
On ne peut éternellement
Se couvrir de malheur
Et de cendres sans urnes
Partout y a des nuisances
Faut plonger sous sa couette
Essayer de faire comme si
Moi j'habite à Drancy
A la cité d' la Muette
On peut dire que j'ai de la chance