Ô ma douceur,
Je rentre à la maison,
L'âme et le pantalon
Débraillés.
J'ai bu comme un siphon.
J'ai la bouche en chiffon.
Je reviens sans un rond,
Nettoyé.
Le nez en couleur
Et le teint rubicond,
Je rentre à reculons
Au foyer,
Implorant ton pardon
Dans une sourde oraison,
De hoquets, de jurons
Émaillée.
Ô ma douceur...
Ô ma douceur
Je rentre mais c'est long
Et j'en crache mes poumons
D'être à pied.
J'ai l'hiver aux talons
Et mon pauvre veston
Dans son rang de boutons
Veut bailler.
Un fond de liqueur
Et je tiens le ponpon.
Je risque le plomb
À brailler
Et le ciel me répond
Une pluie de postillons.
C'est un temps de saison.
Vous croyez?
Ô ma douceur...
En passant sur le pont
Je me dis: "À quoi bon..."
Et puis: "Allons, allons..."
Je riais
Et voilà que je pleure
Comme un petit garçon
Dans les bras d'un piéton
Effrayé.
Il me remet d'aplomb
Car cet homme est maçon
Et moi, comme un pinson,
Égayé
Par son petit flacon,
Je rentre à la maison
L'âme et le pantalon
Débraillés.
Ô ma douceur...
Puis le jour moribond
Revient de l'horizon
Pour battre les buissons
Les clapiers.
Moi je baisse le front
Comme un pilleur de troncs.
Je rentre à la maison
Dévoyé.
Ô ma douceur,
J'ai peur de l'abandon.
Je rentre à la maison
Te choyer.
Ô ma douceur,
Ô mon doux compagnon,
Mon toutou de salon,
Je rentre à la maison,
Je rentre à la maison,
Je rentre à la maison...