Lui :
Mon amour, ma bien aimée,
Me voici trop loin de toi,
Comment survivre éloigné
De ton cœur et de tes bras ?
Elle :
De mon cœur et de mes bras
Tiens, je l'avais oubliée
Cette lettre et qui, ma foi,
Peut me l'avoir envoyée ?
Lui :
Si tu savais quel ennui
Loin de nos jeux amoureux
Elle :
Est-ce André ou est-ce Henri ?
Est-ce Paul aux si beaux yeux ?
Lui :
Rien ne distrait la folie
Qui m'entoure mais rien ne peut
Détourner mon cœur épris
Elle :
Oh non, ça ne peut être lui !
Lui :
Mon amour, mon feu, ma joie,
Je reviendrai, sois-en sûre
Elle :
Vrai, c'est la première fois
Que je vois cette écriture.
Lui :
Ton portrait posé sur moi,
Me protège et me rassure
Elle :
Cette lettre entre mes doigts
Serait-elle une imposture ?
Lui :
Oui, l'enfer est de ce monde
Mais le pire est de compter
Ces heures, ces jours, ces secondes
Qui nous tiennent séparés
Elle :
J'ai beau chercher dans la ronde
De mes amoureux passés
Dans quelle amnésie profonde
Cet amant-là s'est noyé
Lui :
Mon amour, ma toute belle,
Je t'aime et je t'aime tant
Elle :
Il n'y a rien d'éternel,
Rien qui ne résiste au temps
Lui :
Un baiser sur ta prunelle,
Sur ta bouche tout autant
Elle :
Rien qui ne résiste au temps
Et la mémoire est cruelle
Lui :
Mais adieu ma vie, mon cœur,
Il faut bien que je m'en aille
On m'appelle, il est six heures
A demain, vaille que vaille !
A moins que ton artilleur
N'ait pour seules funérailles
Que les tranchées et la peur,
Le vacarme et la mitraille
Elle :
Sur ces pages abîmées
Il manque une ultime morsure,
La certitude affirmée
D'une simple signature
Lui :
Mon amour, si d'aventure
Au front je devais tomber,
Je voudrais que tu me jures
De ne jamais m'oublier
Elle et Lui :
Je voudrais que tu me jures
De ne jamais m'oublier.