Je n'étais qu'un simple ouvrier
Dans la chaussure.
J' gagnais d' quoi payer mon loyer
Et ma voiture.
J' travaillais dans la succursale
D'un grand trust international,
Et, comme je n'étais pas trop bête,
J'espérais qu'avec les années
J' finirais chef d'un atelier:
J' faisais des projets dans ma tête.
Dans ce paradis helvétique,
Vive l'amour et la musique,
Je vivais, tranquille et confiant
Au milieu d'un monde brûlant.
De vous, Monsieur le Directeur,
Les ouvrières
Disaient que vous aviez du coeur,
Et des manières.
Avec les garçons et les filles,
On f'sait partie de la famille,
Nous disiez-vous en souriant.
Même qu'à votre anniversaire
Vous nous avez payé un verre!
C'était il y a bien longtemps...
Dans ce paradis helvétique,
Vive l'amour et la musique,
Vous avez dansé avec nous,
J'ai encore des photos chez nous!
Un jour, vous avez déclaré:
"La conjoncture
Est telle qu'il faudra vous serrer,
Tous, la ceinture".
Vous avez fait ce qu'on appelle
Des compressions de personnel:
Fini, le temps du bon apôtre.
Et, froidement, vous avez mis
Ceux que vous nommiez vos amis
A la porte, l'un après l'autre.
Dans ce paradis helvétique,
Vive l'amour et la musique,
On a crié tant qu'on a pu,
Et l'écho nous a répondu...
Je ne suis qu'un simple ouvrier
Sans importance,
Pour ceux qui tiennent les leviers
De la finance.
Voilà ce que votre mépris,
Votre morgue, m'auront appris:
Je suis de ceux qui ont bon dos,
Que l'on déplace, et qu'on renvoie,
Au pays où l'argent est roi.
Mais ne vous y fiez pas trop:
Un jour ou l'autre, c'est physique,
Vive l'amour et la musique,
A jouer avec ces compressions,
Vous provoquerez des explosions,