Il s'est montré vêtu de lin
A la blancheur de lait
Ses yeux frais comme le matin
Sous ses paupières languissaient,
Et les roses tendres de ses joues
Bénissaient qui les a créées,
Je le regardai d'un regard fou
Et lui parlai d'une voix brisée
"Pourquoi passes-tu sans me voir
Alors que je consens à me livrer
Entre tes mains aux doigts d'ivoire,
A te faire don de ma liberté ?"
Il me répondit "Regarde en silence
L'objet de tes instances !
Blanc est mon corps, blanc est le lin
Blanc mon visage et blanc mon destin
C'est Blanc sur Blanc
Et Blanc sur Blanc !"
Il s'est montré dans un habit
Rouge comme ses procédés cruels.
Enflammées par le vin et l'envie
Mes paroles devinrent un appel :
"Pourquoi, lui dis-je, malgré ton teint
Blanc comme l'astre de la nuit
Rougissent tes joues de satin
Colorées par le sang de ma vie ?"
"L'Aube me prêta son vêtement,
Dit-il, mais le Soleil lui-même
A prêté ses dards ardents
Pour habiller celui qu'il aime !
Regarde, regarde sans rien dire
L'objet de ton désir
Rouges sont mes joues, rouge mon habit
Rouges mes lèvres et le vin qui les unit
C'est Rouge sur Rouge
Et Rouge sur Rouge !"
Il s'est montré vêtu de noir
Noir comme la sombre nuit
Ne daigna me donner un regard
Peu soucieux de mes soucis
Et je lui dis "Ne vois-tu pas d'ici
Exulter mes envieux et rire mes ennemis
Qui voient ton abandon et voient mon désespoir ?
Ah ! Je le sais bien que tout n'est plus que noir !
Noirs sont tes yeux, noire ta chevelure
Noir ton habit et noire ma déchirure !
C'est Noir sur Noir
Et Noir sur Noir."